Loomio

Article Acteurs Publics : Hélène Brisset : “Il n’y a plus de transformation de l’État sans numérique aujourd’hui”

YCD Yasmine COMETA DRJSCS Public Seen by 419

https://www.acteurspublics.com/2017/06/01/helene-brisset-la-perception-que-le-numerique-est-un-levier-de-transformation-de-l-etat-doit-s-imposer

Hélène Brisset, directrice de cabinet du secrétaire d’Etat au numérique
“Il n’y a plus de transformation de l’État sans numérique aujourd’hui”
1 juin 2017, Par Soazig Le Nevé

Poursuivre la stratégie de l’État plate-forme, se tourner en permanence vers les administrations support pour qu’elles s’approprient la transformation numérique ou encore garder les meilleurs profils d’ingénieurs “SI” au sein de l’État : les missions du secrétaire d’État au Numérique, Mounir Mahjoubi, sont nombreuses, explique sa directrice de cabinet.

Selon les décrets d’attribution, Mounir Mahjoubi a “autorité” sur la direction interministérielle du numérique et du système d’information et de communication de l’État (Dinsic), une des directions du secrétariat général à la modernisation de l’action publique (SGMAP), tandis que Gérald Darmanin, ministre de l’Action et des Comptes publics, chargé de la Réforme de l’État, ne fait que “disposer” du SGMAP. Pourquoi cette distinction ?

Ce sont deux volets distincts. La partie numérique implique une très grande transversalité de sujets tant liés à la transformation numérique de l’État qu’à l’économie numérique, qu’à l’inclusion, qui touche de nombreux ministères avec comme pilier le système d’information de l’État, la Dinsic et l’open data. Il est donc très logique que nous ayons un socle – la Dinsic – sur lequel le secrétariat d’État a autorité. Que le ministre de l’Action et des Comptes publics dispose de l’ensemble du SGMAP est logique également et nous serons amenés à travailler étroitement ensemble car il n’y a plus de transformation de l’État sans numérique aujourd’hui.

“Disposer” du SGMAP vous paraît-il donc suffisant pour le ministère de l’Action et des Comptes publics ?

Cette tournure vient simplement du fait qu’un ministère de Bercy ne peut pas avoir autorité sur un service du Premier ministre.

N’est-ce pas la dernière étape avant la scission entre la Dinsic et le SGMAP ?

Nous verrons quelles seront les options administratives qui seront retenues. Au sein du SGMAP, il y avait déjà deux volets complémentaires entre la Dinsic d’un côté et la direction interministérielle pour l’accompagnement des transformations publiques (Diat) de l’autre. Ce qui importe, c’est d’assurer la coordination continue entre les deux parties, qu’on ne fasse plus de numérique sans penser transformation de l’État et des politiques publiques. Et qu’on n’oublie plus la partie numérique et systèmes d’information, qui souvent est arrivée derrière, à la fin. Mais le fait qu’il y ait une structure unique ou distincte ne me paraît pas sensiblement différent sur le fond. Même si les structures ne sont pas dans la même entité, il y a toujours moyen de se parler.

Le gouvernement a-t-il cherché à éloigner la Dinsic de Bercy ?

La volonté du secrétariat d’État au Numérique était de garder l’appui sur la partie numérique portée par la Dinsic et pour cela, il fallait que ce soit un service du Premier ministre. Par ailleurs, le système d’information de l’État, créé en 2014, est sous l’autorité du Premier ministre, autorité qui ne se délègue pas. Le portage auprès de Matignon induit une neutralité totale de la Dinsic envers les ministères, pour donner des avis, conformes ou pas, aux grands projets SI [systèmes d’information, ndlr] qui ne doivent être vus seulement comme des projets économiques mais qui relèvent réellement de la souveraineté de l’État.

Le directeur de la Dinsic, Henri Verdier, pourrait-il voir ses prérogatives élargies ?

Tous les ministres disposeront de leur feuille de route avant l’été. Y figureront les objectifs qu’ils doivent atteindre et les champs d’action qu’il faudra renforcer. À coup sûr, la Dinsic devra poursuivre la transformation du SI de l’État, amplifier France Connect et le Réseau interministériel de l’État (RIE), renforcer l’open data, parvenir à davantage de mutualisations entre les ministères…

Que reste-t-il du SGMAP dans ce contexte ?

Depuis la création de l’Adae [agence du développement de l’administration électronique, ndlr] sous Lionel Jospin, l’histoire récente nous montre que de nombreuses étapes de rapprochement ou de séparation ont eu lieu entre les services de modernisation de l’État liés à Bercy et ceux liés à Matignon. Ce sont des mouvements cycliques. Il faut simplement veiller à ce que ces changements ne viennent pas empêcher la coordination d’ensemble afin que s’impose pour de bon la perception que le numérique est un levier de transformation de l’État.

Mounir Mahjoubi a indiqué qu’il préparait “une stratégie d’État plate-forme”. Quelle sera-t-elle ?

L’État plate-forme, c’est l’idée d’avoir un socle réutilisable, ouvert et interfacé avec l’extérieur, installant la confiance auprès des usagers qui accèdent à des services modulaires et réutilisables au moyen d’une identité de confiance. On construit des services, tel France Connect, qui s’interfacent avec ce socle et permettent la réutilisation de données. Pour schématiser, l’État plate-forme se nourrit de briques qui sont réutilisables comme le sont des pièces de Lego. Objectif : ne pas refaire la même chose dans tous les ministères mais mutualiser les usages entre les administrations tout en simplifiant la relation avec les usagers sur le principe du “dites-le nous une fois”.

Comme c’est désormais de rigueur, votre cabinet n’est constitué que de 5 membres. Aurez-vous suffisamment de ressources ?

Nous ne sommes que 5 en effet, ce qui implique de notre part une très grande agilité ! La conséquence, positive à mes yeux, est aussi que nous devrons nous tourner en permanence et complètement vers nos administrations support. C’est ce que j’ai réclamé pendant longtemps lorsque j’étais moi-même dans ces administrations. Aussi j’aurai à cœur de passer aux actes maintenant que je suis en cabinet.

Et pour ce qui est de la Dinsic ? Ses effectifs ne sont-ils pas insuffisants ?

Qui dit effectifs complémentaires dit redéploiements, en cette période d’économies budgétaires. La Dinsic, de même que les DSI [directions des systèmes d’information, ndlr] ministérielles ont besoin de recruter des personnels de très haut niveau qui pourront montrer combien ils génèrent de gains et d’effets de levier, améliorant le fonctionnement des administrations. Le nouveau corps interministériel des ingénieurs SIC, une trentaine d’agents recrutés par an, permet une mobilité entre ministères, ce qui était jusqu’ici très compliqué. C’est un gros avantage car nous pouvons garder les bons profils au sein de l’État plutôt que de les voir partir définitivement vers le privé. Trop souvent par le passé, les systèmes d’information ont été perçus comme des métiers du fond de la soute. C’est dommage, car de nombreux bons profils s’étaient détournés de l’administration. Il faut désormais les voir comme des métiers nobles.

Propos recueillis par Soazig Le Nevé